Revenant depuis Paris, pour Le site echosdescollines.com , sur son élection au poste de Maire adjoint d’Etampe ( Île de France), Dramane Keïta, de la diaspora kédevine, vivant à Paris et tout nouveau élu de la municipalité d’Etampe, a en profité pour livrer, au même moment que se déroulait les travaux son point de vue et ses attentes du premier Conseil des ministres décentralisé qui s’est déroulé, le jeudi 17 avril dernier, au Cdeps de Kédougou, sa ville natale. Retour sur témoignage inédit.
Échos des Collines: Vous venez, comme d’autres rares citoyens et militants français d’origine Ouest- africaine, colistiers d’un candidat à la conquête d’une mairie, d’être élus, conseiller municipal et Adjoint au maire de la municipalité d’Estampes. Que représente pour vous cette élection, et comment la vivez- vous?
Dramane Keïta : « Je m’appelle Dramane Keïta, je suis né en 1968 à Kédougou, je viens d’être élu le 23 mars 2014 comme Conseiller Municipal sur une liste de Rassemblement Ensemble pour Etampes et conduite par le Député Maire UMP. Le 30 mars 2014 mes collègues conseillers m’ont élu Maire adjoint. Je suis chargé des Conseils de Citoyens, de la Concertation, de l’Animation et de la Vie des quartiers. Pour moi cette élection est un honneur à toute la diaspora africaine, antillaise, haïtienne et maghrébine. C’est un honneur pour tous les français issus de la diversité et aussi pour le Sénégal et particulièrement pour Kédougou. Cette ville peu connue et considérée par le Sénégal d’aujourd’hui et qui a donné de grands hommes ayant participé à la construction politique, économique et culturelle du Sénégal au risque de leur vie parfois : je pense à Mady Cissokho, Mamba Guirassy, Amath Dansokho etc….. Je leur dédie particulièrement mon élection comme Maire Adjoint. »
Echos des Collines : Dans quel état d’esprit avez-vous vécu votre premier conseil municipal et comment abordez-vous votre mandat de nouveau élu?
D. K : » Mon premier Conseil municipal, je l’ai vécu avec joie et aussi avec le sentiment d’un parcourt couronné. Je l’ai vécu entouré de ma famille présente dans la salle dès les premières heures de la matinée, de nombreuses femmes d’origine africaine présentes dans la salle aux premiers rangs, de hommes de tous les âges, tous manifestant leur joie et leur fierté de voir l’un des leurs siéger comme maire dans une ville où ils ont souvent vécu les pires difficultés, de rencontrer des autorités, de faire avancer leurs demandes à la fois administratives ou culturelles. Naturellement, j’aborde ce mandat de 6 ans sans appréhension aucune, car je me sens bien entouré par la diaspora et par tous les étampoises et les étampois en général. Je sens aussi la volonté de mes collègues, anciens maires vouloir me guider dans mes premiers mes pas, par leurs sages conseils dont j’aurai besoin à chaque étape de mon mandat. »
M. Keïta : Actualité oblige. Relancé, par le Président Macky Sall, Kédougou, votre ville et/ou région d’origine, accueille au moment de cet entretien, le premier conseil de ministres décentralisé, de son histoire, Comment vivez-vous depuis Paris, cet événement historique et politique, qu’aucun maire de la ville n’a jamais obtenu, ni accueilli,
D. K : « Ce conseil des ministre, le premier de l’histoire de Kédougou me réjouit de prime abord. Mais ce n’est pas l’évènement en lui même qui est important mais les questions qui vont être traitées, les décisions qui vont être prises et ce n’est pas tout : une chose est de prendre des décisions, une autre est de les appliquer, de les suivre, de faire les évaluations et enfin de faire la restitution d’ensemble pour voir si ce qui a été promis au départ a été réalisé et exécuté selon le chronogramme établi et en parfaite cohérence avec la finalité recherchée. C’est cela qui importe pour moi mais je ne vais pas bouder mon plaisir pour une fois que Kédougou fera la « UNE » des journaux, au Sénégal. Je dis bravo ! Des Maires de Kédougou ont déjà eu l’honneur d’accueillir des présidents. Je pense à la venue de Senghor, un matin de bonheur, je devais avoir 5 ans, d’Abdou Diouf comme premier ministre puis comme président, d’Abdoulaye Wade et maintenant de Macky Sall. A la différence des ses prédécesseurs, ceux là venaient dans le cadre d’une tournée politique ou économique alors que le président Macky Sall déplace tout son gouvernement pour un conseil des ministres dont l’essentiel des travaux devraient être consacrés à la situation économique et géographique de Kédougou. En cela, c’est un évènement que je suis à la minute près avec beaucoup d’attente et d’intérêt. »
» Je suis ce Conseil de ministres avec beaucoup d’attente et d’intérêt. »
Brièvement et globalement, qu’attendez-vous de ce grand rendez-vous de la république dans votre ville natale?
D. R : « D’abord j’attends du président qu’il prenne des mesures concrètes et immédiates contre l’insécurité endémique dans la région en général et dans le département de Saraya et des zones aurifères en particulier. Ces zones sont sous le contrôle des brigands, bandes armées qui opèrent en plein jour au vu et su de toute la population, incapable de se défendre. Si cette question n’est pas prise immédiatement en charge, ce sera nous la diaspora qui viendra encore une fois au secours de nos populations en les armant afin qu’elles prennent leur auto-défense. Le premier rôle régalien d’un état est la sécurité, si l’état faiblit ou fait défaut alors des groupes d’auto défenses se substitueront à cette défaillance pour assurer leur propre sécurité. Il ne faut pas que l’on arrive à ce stade. Nous intervenons déjà dans le domaine économique, dans la santé, dans la scolarisation etc. L’état se doit d’assumer au moins ce rôle qui est le sien : la sécurité sur l’ensemble du territoire. La sécurité ne doit pas occulter le chômage endémique dans la région, les matériels agricoles d’un autre âge, des routes qui n’ont de route que de nom, l’enclavement inacceptable. Quand j’étais à l’école primaire vers les années 70-80, le courrier était acheminé régulièrement à Kédougou 1 fois par semaine à Kédougou, puis c’est par voie routière et maintenant rien de tout cela. On a l’impression que Kédougou marche en sens inverse du développement. C’est cet anachronisme qu’il faut enrayer. Je ne perds pas espoir de voir un jour ma ville natale s’accrocher au wagon des autres villes du nord du Sénégal et cesser d’être une ville entièrement à part pour devenir une ville à part entière du Sénégal. »
« Ce retard est d’abord dû au propres fils de Kédougou »
Selon, vous, quelles sont les principales raisons objectives qui expliquent le retard endémique, anachronique et chronique du développement de Kédougou, une région considérée, comme assise sur « une chaise en or et qui tend la main »?
« Ce retard est d’abord dû à ses propres fils qui ne considéraient Kédougou comme une zone de villégiature où ils passent de temps en temps pour égayer la galerie : un homme comme Mady Cissokho aurait eu tous les moyens politiques et économiques et le pouvoir nécessaire pour mettre Kédougou sur les rails du développement au moins du désenclavement mais il aurait préféré se fixer à Tambacounda où, durant tout son long règne, il venait tous les weekends, non pas par la route, mais en train de Dakar . Il était le premier à reléguer Kédougou dans l’enclavement alors qu’il est originaire de Missirah Sirimana, dans l’actuel département de Saraya. Quand au règne de Mamba Guirassy, il en fera un vivier politique, par un recrutement politique massif avec la nomination de nombreux jeunes de Kédougou comme instituteurs mais la logique de développement est reléguée au second plan. Aucune structure réalisée en 20 ans, peu d’écoles, un poste de santé qui n’est rien d’autre qu’un mouroir. Mais ces hommes politiques, fils de Kédougou vivaient avec un autre esprit largement imprégné de la nostalgie des rois et de leur culte de la personnalité. Les autorités étatiques, les gouvernements de Senghor et d’Abdou Diouf ne connaissaient réellement Kédougou que par la bouche de ces représentants ci – dessus cités. C’est cela le retard de Kédougou, son enclavement et son état moyenâgeux aujourd’hui. Cette situation est plus révoltante encore quand un sait que Kédougou est presque un scandale géologique : l’or, le fer de la Falémé, l’uranium de Saraya, le marbre d’Ibel et tant d’autres ressources deviennent aujourd’hui un danger (insécurité) au lieu d’être un atout, une source de richesse. Par la faute d’un état défaillant, des cadres de Kédougou mus par leurs seules promotions politiques, Kédougou est et reste encore un gros village après plus d’un siècle d’existence. La première richesse de Kédougou demeure ses enfants en immigration. C’est cette tendance fâcheuse que le pouvoir actuel doit mettre un terme en promouvant une politique massive d’emploi pour les jeunes, de sécurité pour les personnes et les biens et enfin désenclaver cette région vitale pour l’avenir du Sénégal. Il ne peut y avoir un Sénégal émergent avec des régions périphériques ou le minimum vital est un luxe ! »
« Promouvoir une vraie politique d’emploi aux jeunes et de sécurité aux populations«
Sans langue de bois, si vous avez, un message à adresser au président Macky Sall, aux populations de Kédougou, aux élus et hommes politiques de Kédougou (toutes tendances et/ou origines confondues). Ce serait lequel?
» Pour tous les acteurs politiques, économiques et socioculturels de Kédougou, je leur demande de profiter et de se saisir de ce conseil de ministres, pour mettre sur la table, tous les dossiers qui freinent le développement de la région, et d’en parler sérieusement et franchement avec le président, car il s’agit d’une opportunité qui risque de ne pas se répéter souvent. Avoir un président, comme interlocuteur direct, en plus chez soi, est non seulement une chance, mais une opportunité historique pour évoquer tous les problèmes de la région et de la sous région. Se dire toutes les vérités en face pour l’intérêt de Kédougou et de ses populations. Au président Macky Sall, à qui je souhaite au passage, un bon séjour à Kédougou, qu’il doit mettre un terme au laxisme, à tout ce qui freine sa politique de développement économique à Kédougou, ou dans d’autres régions, en promouvant une vraie politique massive d’emploi pour les jeunes, de sécurité pour les personnes et les biens et enfin désenclaver cette région de Kédougou, vitale pour l’avenir du Sénégal. Il ne peut y avoir un Sénégal émergent avec des régions qui n’ont aucun contenu, ni réalité et réalisations économiques
Lamine Camara